Ce document est la synthèse du séminaire organisé par Ekopolis le 22 janvier 2013 sur les conditions d’une corrélation entre la maîtrise des coûts de sortie des logements et les qualités environnementales de l’opération.
Le coût du foncier, premier élément influençant le coût de sortie des logements, est particulièrement contraint en île-de-France. Avec quels mécanismes les collectivités peuvent-elles agir sur les charges foncières et les prix de sortie, avec quels impacts, quelles limites ? Comment la gestion du coût du foncier a-t-elle un impact sur la marge de manœuvre des opérateurs en matière de performances environnementales ?
Animé par le journaliste Cyrille Poy, le séminaire s'est basé sur l’examen de quatre projets urbains analysés par Ekopolis en 2012 (accédez ci-contre aux fiches opérations). Il a réuni une cinquantaine de participants, acteurs de ces opérations et élus, maîtres d’ouvrage et concepteurs franciliens.
Sommaire
> Emmanuelle Cosse, Vice présidente du Conseil régional au logement, renouvellement urbain et action foncière
#2 Maîtriser le coût du foncier
> Propos liminaire - Joseph Comby, consultant foncier
> Agir sur la charge foncière - échanges
> Un outil pour contenir l’inflation foncière : la charte promoteurs - échanges
> Grand témoin - Vincent Renard, économiste
#3 Maîtriser les coûts de construction
> Propos liminaire - Franck Boutté, consultant
> Arbitrer sur les choix de stationnement - échanges
> Intégrer le coût de la performance environnementale - échanges
> Grand témoin - Vincent Renard, économiste
Résumés des échanges
#1 Ouverture
Emmanuelle Cosse, Vice présidente du Conseil régional au logement, renouvellement urbain et action foncière
L’île-de-France peine à surmonter les difficultés actuelles de l’aménagement et du logement : cherté, pénurie, manque d’adaptation aux besoins des franciliens. Mais la période est assez faste sur le plan législatif et des projets de loi sont à espérer en 2013, sur le calcul de la valeur du foncier et son utilisation. On retiendra quatre enjeux centraux en lien avec cette problématique.
- L’exigence de quantité dans la construction ne doit pas aller à l’encontre de la qualité, non seulement environnementale, mais aussi en termes d’usage des logements et des zones d’aménagement.
- L’étalement urbain produit des coûts induits pour les collectivités qui ne savent plus y répondre ; l’implantation des logements et des zones d’activités est un enjeu repris par la Région dans le Schéma directeur, en enquête publique jusqu’à septembre.
- La construction ne peut suffire à résoudre ces problématiques, elle doit s’accompagner d’outils de régulation du marché immobilier et de la question foncière. Les chartes promoteurs sont un exemple produisant des effets intéressants en zone très dense, de même que les établissement publics fonciers, lorsqu’ils ont un programme d’investissement fixant des objectifs clairs et s’inscrivant dans un travail partenarial avec les collectivités. Les concertations législatives actuelles sur les EPA et EPF doivent aboutir à des outils plus adaptés à la gestion des territoires.
- Le coût de la construction est également central en France, où il reste élevé par rapport à nos voisins. On constate une dépendance à certains matériaux et la difficulté de mettre en place une filière bois à la hauteur des besoins de la construction. Les éco-matériaux devront avoir, à terme, une place plus importante.
#2 Maîtriser le coût du foncier
Propos liminaire - Joseph Comby, consultant foncier
Dans un bilan d’opération immobilière, le foncier est une charge financière extrêmement variable. Son montant résulte de facteurs qui jouent à trois échelles :
- l’échelle nationale (cadre législatif, conjoncture économique),
- l’échelle locale du bassin d’habitat (conduite des politiques foncières locales),
- l’échelle opérationnelle (négociation du montage opérationnel).
Au niveau national, on observe, depuis douze ans, une progression historique des valeurs immobilières et foncières. Cette situation a été commune à de nombreux pays, mais son prolongement au-delà de l’éclatement de la bulle financière de 2008 est une singularité française. Dans des pays comme l'Espagne ou les états Unis, cette même crise avait provoqué rapidement un effondrement des valeurs. En France, les fortes incitations au placement de l’épargne des ménages dans l’immobilier, en a fait un secteur refuge. Le pays est devenu un champion mondial en matière de surévaluation des prix du logement. Le coût de la construction n’ayant pas davantage augmenté que l’ensemble des autres prix, c’est la valeur du foncier qui engrange la surestimation de l’immobilier. En dix ans, d’après les comptes de patrimoines de l’INSEE, la valeur de l’ensemble du foncier non agricole est passée de 600 milliards à 5 000 milliards d’euros. Bien que retardée, l’éclatement de la bulle immobilière française parait cependant inéluctable et l’actuelle chute du nombre des mutations parait bien en être le signe avant coureur d’une phase de baisse des prix qui se prolongera au-delà de 2013 et 2014, si l’on veut bien ne pas l’entraver.
Au plan local, en dépit d’une certaine perte d’efficacité des outils d’aménagement disponibles depuis la loi SRU, des stratégies foncières à l’échelle métropolitaine ont pu être mises en oeuvre dans plusieurs grandes agglomérations françaises, pour freiner la hausse de la valeur des terrains. En île-de-France de telles stratégies sont inconcevables car il n’existe aucune autorité disposant de moyens d’intervention pour les concevoir. Il ne peut y avoir de politique foncière municipale car il existe un seul marché foncier urbain, à l’échelle de l’agglomération. Les communes font certes de l’action foncière ; elles achètent, aménagent, vendent ; mais elles agissent dans le marché et non pas sur lui. Pour que cela change, il y faudrait une résolution d’une autre dimension que celle des évolutions législatives en cours.
Il ne reste plus alors que le bricolage opérationnel à courte vue. Incapable de s’attaquer aux tendances lourdes des marchés fonciers, chaque autorité tente de ruser avec les moyens du bord : obtenir des terrains publics, souvent mal situés, à des conditions favorables ; reporter une partie de la charge sur des tiers ; subordonner la délivrance d’autorisations d’urbanisme à des engagements « sociaux » imposés à des opérateurs qui ne les respecteront qu’à moitié ; lancer des programmes « à prix maîtrisés » dont on peut toujours craindre que les bénéficiaires ne soient pas ceux que l’on croit...
Agir sur la charge foncière - échanges
Sur le quartier Hoche, à Nanterre, le foncier acquis peu cher et la péréquation sur la ZAC Seine-Arche ont permis de forts rabais sur les charges foncières. Les prix de sortie de l’accession à prix maîtrisés s’établissent à 20% sous ceux du marché, décote assortie de clauses anti spéculatives. Sur l’accession libre, un prix moyen d’objectif de 4 250 €/m2 a été établi, avec des clauses de complément de prix en cas de dépassement. Ce montage a permis de rester dans les conditions financières envisagées avant la crise, en évitant l’effet spéculatif mais en restant dans les moyennes du marché.
Sur la ZAC du Plateau, à Ivry-sur-Seine, la question posée était le financement des ambitions en termes de locatif social et d’accession à prix maîtrisé. Le marché de l’ancien environne les 4 400 €/m2, en augmentation de 12% en 2012 ; sur la ZAC, les 40% de logements à prix maîtrisés sont sortis à 3 720 €/m2. La production de logements moins chers permet une certaine régulation du marché local, justifiant la prise en charge par la Ville d’un déficit de 12 millions d'euros. à l’acquisition foncière, le vendeur peut aussi supporter une partie de la décote sur la charge foncière, mais cela nécessite des outils d’action foncière publique à renforcer. Si les clauses anti-spéculatives sont juridiquement peu solides, elles ont un effet psychologique effectif au moins à l’achat, supposant un travail permanent de sensibilisation. La prise en compte du point de vue des propriétaires comme acteur des négociations, s’impose de plus en plus.
Sur de petites opérations la péréquation est plus difficile. Elle peut se faire aussi sur le risque : le promoteur cherche à fabriquer à marge raisonnable avec le moins de risque possible, et ses fonds propres lui permettent de mener les opérations à risque. Mais aujourd’hui les opérations sont de plus en plus petites, car le foncier est de plus en plus bâti et de plus en plus cher. à l’achat d’un terrain, il faut démolir et dépolluer, ce qui réduit les marges. Les collectivités doivent également intégrer le coût des équipements induits. L’enjeu est donc de faire baisser les prix initiaux de production du foncier, intégrant la ville sur la ville, d’où la nécessité d’une vraie politique foncière.
Les différentes solutions utilisées aujourd’hui posent des problèmes de reproductibilité, de légalité, d’équitabilité. Un renfort de l’état est nécessaire pour donner les moyens aux collectivités de se doter de politiques foncières proactives, d’autant qu’avec la réduction des moyens publics, l’acquisition des terrains pose question pour l’avenir. Une remise en cause du système actuel où le propriétaire attend la plus-value, en la taxant fortement, pourrait se fonder sur des systèmes existant à l’étranger. Enfin, un travail est à mener sur les aides à la construction pour mieux adapter la production à la demande : aujourd’hui on construit 10% de PLAI, alors que 80% des demandeurs entrent dans ces critères.
Un outil pour contenir l’inflation foncière : la charte promoteurs - échanges
Pour le PRU Cachin, à Romainville, la maîtrise foncière de la commune a permis d’asseoir les opérations de reconstruction dans le tissu proche, à travers la VEFA. Ce montage a représenté une porte d’entrée pour les promoteurs, avec des ventes à l’OPH à 2 500 €/m2 TTC parking inclus pour 20% des opérations. Mais en parallèle, les prix de l’immobilier ont augmenté sur la commune, en contradiction avec l’affichage politique, d’où la volonté de contrôler le risque de spéculation à travers une charte réalisée en 2012 en concertation avec EPF et promoteurs. Si elle n’est pas complètement solide juridiquement, c’est d’abord un outil de négociation qui fixe les prix de sortie à 10% sous le prix moyen du marché et établit une référence de charge foncière pour les négociations avec les propriétaires, ce dont les promoteurs étaient demandeurs.
La Ville de Saint-Ouen a fait le choix dès 2005 de bloquer les prix de sortie pour maîtriser son développement à travers une charte. La seconde édition de 2011, signée par 27 promoteurs, différencie des prix moyens par quartier, propose un prix plafond, fixe des clauses anti-spéculatives et des objectifs qualitatifs sur la typologie, le pourcentage de propriétaires occupants, les espaces extérieurs, la pré-commercialisation aux habitants de la commune. Il s’agit d’un outil contractuel, support de transparence et de négociations avec les opérateurs. La charte est aussi un outil transparent d’explicitation aux propriétaires, visant à maîtriser la plus-value. Elle est la clé de voute pour la commune d’un dispositif plus vaste intégrant l’effort de construction, la rénovation de l’habitat indigne, le travail avec les privés et les aménageurs, la communication, l’exercice très large du droit de préemption urbain (sur 8% des déclarations d'intention d'aliéner, avec pour la moitié, retrait de la vente ou renégociation du prix en baisse d’environ 20 000 € et pour l’autre moitié, une préemption menée à terme).
Ce type de dispositif est réalisable sur des territoires qui cherchent à maîtriser leur développement plutôt qu’à le susciter. Dans les territoires moins attractifs, la priorité est de produire et vendre du logement, la maîtrise des prix est secondaire. Il y a donc une nécessaire réflexion dépassant le cadre local, pour que l’attractivité des uns puisse bénéficier au développement des autres, favorisant la péréquation et la maîtrise de l’accès au logement. La charte Qualité construction neuve de Plaine Commune vise par exemple à résorber les écarts des prix de vente entre communes, par un mécanisme qui fixe une charge foncière plus basse dans une zone en contrepartie d’une charge foncière relevée ailleurs. Dans les opérations ANRU, un système similaire vise à inciter l’opérateur à venir dans une zone à risque en contrepartie de charges foncières intéressantes dans une ZAC plus favorisée. Ces augmentations de charge foncière permettent de financer l’amélioration de l’espace public, qui redonne de la dignité à l’ensemble du quartier, créant artificiellement un marché. Ces exemples prouvent la nécessité pour les acteurs privés, publics, aménageurs, opérateurs et élus, d’échanger et de s’engager dans des opérations multi-sites.
Grand témoin - Vincent Renard, économiste
La situation du marché parisien est très particulière tant le boom immobilier de cette première décennie a déréglé les marchés. Ils ont atteint des niveaux hors d’atteinte de la demande en termes de pouvoir d’achat, en particulier des classes moyennes. Une autre question est celle de l’appareillage juridique et de son utilisation par les collectivités, et plus largement un problème de gouvernance. Les collectivités locales sont dotées d’outils juridiques très puissants en matière foncière : permis de construire, plan local d’urbanisme, droit de préemption. Or le niveau communal n’est pas l’échelon adéquat pour mener ces politiques, en particulier dans les communes périphériques des grandes agglomérations. Remonter le PLU à l’échelon intercommunal serait un progrès, mais sans oublier que le tissu des intercommunalités est très divers, pas toujours pertinent pour la mise en œuvre des politiques urbaines. Le niveau de l’agglomération, bassin de vie et d’emploi, serait clairement l’échelon adapté, comme le pratiquent plusieurs pays voisins : Angleterre, Pays Bas ou Allemagne. Ce devrait être un axe important de "l'Acte III de la décentralisation" en préparation.
#3 Maîtriser les coûts de construction,
Propos liminaire - Franck Boutté, consultant
Une approche fondée sur l’évitement des coûts, par une remise en question de l’échelle et des thématiques sur lesquelles est porté l’effort, est souhaitable. En travaillant en conception intégrée de la grande échelle au matériau, elle vise à réduire les coûts à la source pour relâcher la pression sur les bâtiments. Le cumul des surcoûts pour obtenir du BBC, du passif ou du BEPOS ne s’inscrit pas à une échelle permettant des gains d’efficacité à moindre coût. De la même manière, on a tout misé sur l’énergie, avec des bâtiments hyper optimisés en hiver, or n’importe quel écart comportemental a un impact de 200 à 300%. La démarche décrite ici vise la dilution de la question performancielle dans la ville, l’architecture et les usages. Elle crée autre chose, de l’altérité, de l’identité, des conditions de vie durables et désirables.
Cette pratique débute par la territorialisation : quels sont le milieu, les atouts, faiblesses et ressources ? Puis elle s'intéresse à la morphogenèse des villes : comment le projet urbain peut réduire les besoins de froid en jouant sur le soleil, la lumière, la végétation et les vents ? Enfin, elle questionne la morphogenèse des bâtiments. Ici encore, la réflexion est régie par la primauté de l’amont : interroger les conditions d’ambiance et de confort (changer le seuil d’acceptabilité par exemple, n’a pas de coût et est très efficace), puis dimensionner les systèmes, et enfin parler de surcoût. Mais on peut aussi s’arrêter à la performance endogène du bâtiment et ne pas s’obliger à mettre en place des systèmes, qui posent la question du temps de retour sur investissement. On ne calcule jamais assez ce temps de retour, en ne voyant que l’affichage environnemental, or il peut atteindre 100 à 150 ans pour une mise aux normes RT 2012. Il s’agit d’éviter l’hyper performance désolidarisée de la construction de la ville et de l’architecture. On peut préférer à une sur-isolation coûteuse, un espace tampon type loggia fermable, qui participe à l’identité architecturale, au rapport à la ville et crée un usage. Les labels peuvent eux aussi entrainer un mauvais rapport effort/gain et doivent être avant tout adaptés localement. Passiv Haus a par exemple pour but de réduire les besoins de chauffage, mais est-ce partout le sujet ?
La notion de rapport effort/gain est centrale dans cette démarche. Avec dix centimètres d’isolant, le gain est très important en termes consommation, mais plus on augmente l’effort d’isolation, plus le gain est faible. Les courbes de l’énergie grise (dépensée pour gagner des kWh) et celle de l’énergie blanche (consommée dans le bâtiment) se croisent et sont identiques. Les approches environnementales sont construites sur la recherche de l’absolu, dont les courbes montrent qu’elle est aberrante en termes de rapport effort/gain. Il s’agit de changer de paradigme, considérant que la juste valeur de performance est celle au delà de laquelle l’effort supplémentaire ne se justifie pas par rapport au gain qu’il apporte. Ce surcoût de la performance est vrai avec n’importe quel paramètre et se niche à toutes les échelles, du foncier au matériau. Il dépend aussi des territoires : contrairement à la région parisienne, à Nantes le coût du foncier est plus faible, donc les économies sont à trouver sur les coûts de construction.
Des mécanismes de péréquation peuvent alors être mis en place, pour transférer ces efforts inutiles économisés sur d’autres thématiques et créer de la qualité d’usage. Sur le quartier Hoche à Nanterre, la performance des bâtiments a été volontairement limitée pour rendre possible le réseau de chaleur, en faire bénéficier la cité voisine et améliorer ainsi considérablement sa performance. à Bordeaux, les kWh qu’on permet aux opérateurs de ne pas gagner, sont réinvestis dans des fenêtres plus grandes, des balcons plus généreux. On peut généraliser ce principe sous l’idée d’une « bourse de durabilité », qui permettrait des transferts d’argent des efforts inutiles évités, pour introduire de la qualité dans le bâtiment, changer de périmètre et intervenir sur des bâtiments non visés au départ. La qualité d’un projet réside ainsi non plus dans son hyper performance, mais dans ses altérités positives sur le territoire. Cela favorise notamment l’intervention sur l’existant, car le gain est d’autant plus grand pour un faible effort quand la consommation initiale est importante. Le neuf représente chaque année 0,2% de la consommation énergétique du parc bâti, d’où l’enjeu de lâcher la bride sur le neuf pour investir l’effort économisé dans le territoire d’accueil.
Arbitrer sur les choix de stationnement - échanges
Le parking mutualisé était une donnée de départ du programme sur la ZAC Claude-Bernard à Paris, imposée dans la consultation de commercialisation des charges foncières. L’objectif était de maîtriser le stationnement dans ce programme comptant une large part de bureaux. Le projet final compte une mutualisation entre les bureaux et le cinéma avec une répartition des horaires assez stricte. Les trois investisseurs propriétaires des bureaux sont propriétaires du parking et doivent désigner un gestionnaire pour mettre en oeuvre la mutualisation, à l’ouverture du cinéma en 2014. Cette mutualisation a un impact sur l’espace public : seules vingt places ont du être créées en surface.
Sur le quartier Hoche à Nanterre, les parking ont été réalisés sur un seul niveau (hormis pour une opération) grâce à l’optimisation des stationnements, pour garantir le maintien d’une part des coeurs d’îlot en pleine terre. L’ambition a été limitée sur ce sujet car la maîtrise d’ouvrage ne souhaitait pas multiplier les contraintes, étant donnée la proximité des transports en commun. Mais sur l’opération Coeur de quartier phase 2, près de Nanterre Université, une répartition des plages horaires entre bureaux commerces et logement est envisagée, montage qui demande aux opérateurs de s’associer à un gestionnaire. Le constat est qu'entre commerces et bureaux la mutualisation est possible, mais sur le logement, notamment l’accession libre, elle pose problème face à la demande des acquéreurs de places privatives.
Sur la ZAC du Plateau à Ivry-sur-Seine, la mutualisation n’était pas dans le programme d’origine. La Ville a souhaité en cours de projet ouvrir le parking destiné aux commerces, aux habitants de la cité voisine dont les stationnements sont insuffisants. Elle a demandé aux promoteurs de construire plus de places sur ce parking, qu’elle gérera via une délégation de service public. La Ville souhaite réduire les normes du PLU lorsqu’il y a un parking mutualisé ou une bonne desserte par les transports collectifs.
Sur les Docks de St-Ouen n’a été réalisé que du parking public, financé par les opérations. Ce montage permet à la Ville de ne prendre en charge que la gestion, et se fonde sur le pari d'une offre qualitative pour que les habitants acceptent de ne pas être propriétaire de leur place. Pour l’opérateur, ce montage limite les coûts donc permet de diminuer le prix de sortie. Mais il y a nécessité de réformer le code de l’urbanisme sur les questions du stationnement car il limite aujourd’hui les possibilités de mutualisation, tous les dispositifs étant attaquables juridiquement.
En termes de coûts, il y a un gain important si on conçoit le stationnement en parking silo, combiné avec d’autres usages. Sur les Hauts de Montreuil, la Ville a mené une réflexion sur des parkings sans infrastructures, sur la façon de rendre un parking non anxiogène et d’en faire un lieu de convergence. Semi encastré, il a été combiné avec un terrain de foot de proximité, réalisant une importante économie sur l’opération.
Intégrer le coût de la performance environnementale - échanges
Sur le quartier Hoche à Nanterre, la seule donnée d’entrée était la chaufferie bois. Chaque couple promoteur architecte a ensuite trouvé ses propres systèmes constructifs pour répondre aux objectifs : brique mono mur avec un système reposant sur l’inertie du bâtiment, travail sur le cadre de vie à travers les extensions et dilations, les balcons représentant pour les architectes l’un des derniers domaines "colonisables". L’objectif n’étant pas l’hyper performance, il a été possible de réaliser de grands balcons et fenêtres, des logements traversants, de ménager des failles et césures. La capacité du logement à évoluer a aussi été étudiée, en travaillant sur une dilatation offrant une pièce en plus. Enfin, l’accent a été mis par l’aménageur sur le suivi avec les habitants, visant à garder la main sur la mise en oeuvre des mesures.
Sur la ZAC du Plateau à Ivry-sur-Seine, 3 millions sur les 60 du bilan d’opération étaient prévus pour la performance environnementale, dont une grande partie pour la dépollution. Une diminution de la charge foncière, financée par ce budget, a été négociée avec les promoteurs. Elle s'est basée sur une expérimentation de chiffrage par l'AMO environnemental, à la demande de l'aménageur, du surcoût au m2 SHON pour la mise en oeuvre des prescriptions. Si cet outil est passé un peu en retrait avec la crise pour maintenir les objectifs de prix de sortie, sur d’autres opérations l’AFTRP travaille à sa mise en oeuvre contractuelle, avec obligation de reverser le manque à gagner à l’aménageur si les mesures ne sont pas mises en place ; par exemple à Cormeilles-en-Parisis (95), la démarche s’est soldée par des performances de niveau Minergie réalisées par tous les concepteurs. L’approche du surcoût prescription par prescription permet à l’aménageur de discuter avec les opérateurs. Mais il reste compliqué de trouver un terrain d’entente, ce qui est plus facile quand des éléments passent de la charte au règlementaire (PLU).
Sur la ZAC Claude-Bernard à Paris, l’atteinte des ambitions a beaucoup bénéficié de la géothermie. Avec la crise et le départ de l’investisseur et de l’opérateur, le but premier est devenu d’achever la ZAC, donc les objectifs sont restés au niveau de 2007. La compacité et la mixité étaient les enjeux principaux visés dans cette opération.
La poursuite des échanges a fait émerger certains constats et questionnements :
- L’enjeu est d’arriver à fabriquer l’ambition par le projet lui-même, co-construire la feuille de route tenant compte de la macro-échelle, puis le projet urbain et l’espace public. Ce projet devient ensuite un héritage pour les opérateurs immobiliers qui apportent à leur tour leur contribution à la co-construction de l'ambition. C’est une démarche chronophage, qui nécessite un vocabulaire commun, un cadre de dialogue et de négociation. Dans cette nouvelle logique de travail à inventer, quelle est la place de l’habitant ?
- Les règlementations sont tellement contraignantes que les architectes construisent souvent tous les mêmes logements, les mêmes typologies. On ne fait pas de la qualité avec des normes, or tout l’appareil règlementaire français est normatif : énergie, locaux vélos, poubelles, demain la biodiversité.
- Donner aux opérations une capacité à évoluer et se transformer est fondamentale dans le changement des pratiques. On a beaucoup moins d’indéterminé dans les projets d'aujourd’hui, que dans la fabrication de la ville ancienne. Le développement durable renforce cet effet, en surdéterminant les opérations. Il s’agit de leur rendre une générosité, qui laisse la possibilité de choses dont on n’a pas besoin initialement.
- La recherche par les concepteurs des « poétiques de situation » vise à créer de l’échange : comment réaliser un rez-de-chaussée qui n’isole pas, avec des percées et une réflexion sur les flux de circulation douce, qui font que les habitants vont vivre avec leurs voisins ?
- La nécessité d’évaluer : est-on réellement en train de faire ce qu’il faut, est-ce qu’on peut évoluer et comment le projet peut intégrer ces actions correctrices ?
- La nécessité de formation des entreprises mais aussi de l’ingénierie, partant du principe que l’argent investi dans la matière grise sera multiplié en économie de coûts de travaux.
- L’aménageur et la collectivité mènent un jeu itératif avec de nombreux partenaires, pendant toute la durée du projet, chacun faisant le choix de certains axes de qualité. Il faut un projet politique, une vision non technique car très vite le jeu peut cesser d’être coopératif. Le débat sur les coûts et surcoûts est parfois un faux débat, il faut rappeler pourquoi on fait une ville, le projet politique, l’intégration des valeurs.
Grand témoin - Vincent Renard, économiste
La question soulève le problème de la rentabilité des solutions écologiques aux politiques urbaines. La réponse n’est pas simple. En matière d’économie d’énergie, on mesure que la question du financement de la rénovation thermique pose de redoutables problèmes, d’autant que ce sont largement des ménages à faible revenu qui occupent des logements peu performants. L’action incitative est nécessaire, elle ne peut suffire. Les écoquartiers offrent souvent des solutions intéressantes sur différents aspects, en particulier sur les solutions techniques. Mais la composante sociale du développement durable y est parfois laissée au second plan, et on peut s’interroger lorsque sort dans Paris un écoquartier où le m2 coûte plus de 10 000 euros… Enfin on doit souligner le rôle crucial que joue la question foncière, dont le poids dans la construction neuve ne cesse d’augmenter, facteur à la fois d’exclusion sociale et d’étalement urbain. L’enchainement des facteurs est bien connu, il y faudrait une politique forte et décidée, qui ne peut guère être laissée de façon générale aux collectivités locales. L’observation des pays d’Europe du Nord mérite d’être scrutée sur ce point.
#4 Bibliographie
La question foncière
IAU. Fonciers en partage. Les Cahiers de l’IAU IDF, n°163 sept 2012
Planification urbaine - les outils pour une politique foncière efficace. Le Moniteur. 22 juin 2012
GRIDAUH. La modernisation des outils de l’action foncière. Janvier 2012
Conversations métropolitaines. Logements : des stratégies foncières pour intensifier le Grand Paris. Juin 2010
Joseph Comby, Vincent Renard. Que sais-je ? : Les politiques foncières. PUF, 1996
L’accession à la propriété et la régulation des loyers :
Jean-Pierre Schaefer. Comment New-York “stabilise” les loyers privés. Métropolitiques, 4 juin 2012, 6p
Bernard Vorms. Le modèle allemand de régulation des loyers est-il transposable en France ? Métropolitiques, 20 avril 2012, 4p
IAU IDF et ORF. Une dynamique d’accession à la propriété : la “TVA ANRU”. Note rapide IAU n°581, décembre 2011
Guilhem Dupuy. Le maire, le promoteur et l’accession sociale. Métropolitiques, 3 décembre 2010
IAU. Les solidarités territoriales. Les Cahiers de l’IAU IDF, n°148, septembre 2008
Club des aménageurs franciliens – Verbatim 3 – “Programmer les logements”, séance du 22 janvier 2008
Le coût de la qualité
Renaud Epstein. Du futur faisons table rase. Le développement urbain durable au prisme de la rénovation urbaine. Octobre 2012, 15 p. Publié dans Vincent Béal, Mario Gauthier, Gilles Pinson (dir.) (2011) Le développement durable changera-t-il la ville? Le regard des sciences sociales, Presses universitaires de Saint-Etienne.
Isabelle Baraud-Serfaty. La ville durable doit être rentable ! In Impertinences 2011, Onze contributions pour penser et agir autrement. La documentation française. P 115 à 123
Véronique Biau, François Lautier. Enjeux, critères et moyens de la qualité dans les opérations de logement. Avril 2004 (étude réalisée pour l’association Architecture et maîtres d’ouvrage, et financée par le PUCA)