Loi Climat et résilience : objectif ZAN et traduction à travers la démarche Quartiers durables franciliens

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Chaque année, 24 000 ha d’espaces naturels, agricoles et forestiers sont consommés. Entre 2006 et 2015, ce chiffre à été porté à près de 596 000 ha, soit la taille moyenne d’un département français en 10 ans. 

De ce constat et portée par un objectif commun de réduire l'impact de l'urbanisation sur les sols, en équilibrant la consommation de nouveaux espaces naturels avec des actions de renaturation et de restauration écologique, le concept de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) s'inscrit dans un contexte global de préservation de l'environnement et de développement durable.

L'objectif ZAN vise à répondre à des enjeux environnementaux majeurs. La préservation des sols, cruciale pour lutter contre l’effondrement de la biodiversité ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre par l’évitement de l’étalement urbain, s'impose comme principe structurant des projets d’aménagement. Sur le plan social, l’intensification des espaces urbains induite par le principe du ZAN, promeut une meilleure qualité de vie en favorisant des villes plus compactes, davantage végétalisées et résilientes. La renaturation des centre-ville par exemple vise à améliorer le cadre de vie, en offrant des espaces de loisirs et de bien-être, tout en favorisant la régulation de l’effet d’îlot de chaleur urbain (ICU) et l’infiltration des eaux pluviales.

 

Mais reconstruire la ville sur la ville est un défi intellectuel et financier particulièrement important. Les collectivités locales doivent concilier développement économique, démographique et territorial avec la volonté de protection de l’environnement et font face à des injonctions contradictoires. D’un côté, la demande de nouveaux logements et d’infrastructures, et de l’autre, les exigences de préservation des espaces naturels.


Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. 
Selon le CESE. Chiffre issu de la Convention Citoyenne pour le Climat. 

En octobre 2019, la Convention Citoyenne pour le Climat rassemble 150 français tirés au sort. Son objectif est d'établir un ensemble de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Issue du grand débat national de 2019 et influencée par le mouvement des Gilets jaunes, cette initiative a formulé 149 propositions.

En 2021, la Loi Climat Résilience institutionnalise les objectifs identifiés par la convention. L’objectif Zéro Artificialisation Nette d'ici à 2050 fait alors son apparition dans le cadre législatif. Un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) pour la période 2021-2031, par rapport à la décennie précédente (2011-2021) est prévu. Ainsi, c’est une trajectoire de réduction du rythme d’artificialisation par tranche de dix années qui est dessinée. La loi ne précise cependant pas comment garantir que l’objectif national de division par deux du rythme d’artificialisation soit atteint si les régions non couvertes par un SRADDET ou SCoT fixent des objectifs de réduction de l’artificialisation moins ambitieux que la réduction de moitié. 

 

Face aux difficultés rencontrées par les territoires, la loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux, dite loi ZAN, est adoptée par le parlement le 13 juillet et publiée au JO du 20 juillet 2023. Elle encadre et renforce l'accompagnement des élus locaux dans la difficile conciliation entre objectif de sobriété foncière et obligations de développement territorial. 

 

Les principales mesures de cette loi incluent :

  • Établir les délais pour intégrer les objectifs de réduction dans les plans d’urbanisme.

  • Mettre à disposition des outils tels que la comptabilisation nette de l’artificialisation et un droit de préemption urbain élargi.

  • Créer une instance de gouvernance pour guider la mise en œuvre des objectifs de réduction.

  • Attribuer un forfait de 12 500 hectares pour la période 2021-2031 pour des projets d’envergure nationale ou européenne, avec des règles spécifiques de répartition.

  • Mettre en place une commission pour résoudre les désaccords sur les projets entre l’État et les régions.

  • Instaurer une garantie rurale d’un hectare pour chaque commune, avec possibilité de mutualisation intercommunale.

Trois décrets d’application sont publiés en novembre 2023 et précisent les modalités de mise en œuvre de la loi de juillet :

La Corse, les territoires d’outre-mer et l’Île-de-France, ne sont par ailleurs pas soumis à cet objectif intermédiaire de réduction de l’artificialisation. Reporterre : Malgré la loi, l’IDF va continuer à betonner

 

  1. 1. Le décret relatif à l'évaluation et au suivi de l'artificialisation des sols précise ce que recouvre la notion de surface artificialisée.

    Nota : Il est par ailleurs à noter que cette nomenclature ne s'applique pas aux ambitions exprimées durant la première tranche de dix ans (2021- 2031), ces objectifs portant uniquement sur la réduction de la consommation d’ENAF.

  2. Le décret relatif à la territorialisation des objectifs de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols ajuste les objectifs de mise en œuvre de la sobriété foncière au sens de la loi du 20 juillet 2023.

  3. Le décret relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l'artificialisation des sols. Cette commission, instituée par la loi du 20 juillet 2023, interviendra en cas de désaccord entre l'État et la région concernée par de grands projets.

La loi du 20 juillet 2023 marque une étape importante dans la lutte contre l'artificialisation des sols en France, visant à créer un équilibre durable entre développement territorial et protection environnementale.

La mise en œuvre opérationnelle de l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) a suscité de vives tensions parmi les territoires, en particulier face à l'envolée des prix du foncier et la rareté croissante des terrains disponibles. Cette situation crée une dichotomie entre l'injonction à construire de nouveaux logements pour répondre à la demande croissante et la nécessité de maintenir une densité urbaine dite “désirable”. Par ailleurs, la mise à l'écart de la zone urbaine du Grand Paris des objectifs intermédiaires exacerbe les disparités régionales et suscite des critiques sur l'équité de cette politique.
 

Un autre sujet d’interpellation est celui de la classification des sols artificialisés par le décret de novembre 2023, notamment concernant les friches (boisées ou non) et les jardins pavillonnaires. Si certains y voient l’opportunité de densification dans l'enveloppe urbaine, à l’écart des réservoirs de biodiversité et des espaces naturels, d'autres soulignent le besoin de conserver des espaces ouverts au sein des zones urbaines denses, essentiels au maintien de la qualité du cadre de vie. Enfin, l'urgence des temps contraste souvent avec la lenteur de la mise en œuvre des propositions législatives, posant des défis supplémentaires pour atteindre les objectifs fixés.

La démarche Quartiers durables franciliens, porté par Ekopolis, intègre dans ses critères d’évaluation la question de l’artificialisation et de la réhabilitation des sols. Plusieurs pré-requis du référentiel permettent de prendre en compte qualitativement ces phénomènes

Ekopolis accompagne les professionnels de l’aménagement par l'intermédiaire d’organisation d'ateliers (atelier sur la définition des contextes urbains), de formation (formation aux fondamentaux de l’aménagement durable) ou la diffusion de REX par exemple. La démarche d’accompagnement QDF vise également à identifier les indicateurs pertinents qui permettent de comprendre l’applicabilité de la loi sur le territoire francilien. Dans le but d’accompagner aux mieux vers la frugalité les porteurs de projets inscrits en démarche, Ekopolis compile des données contextualisées et opérationnelles. Le rapport à l'artificialisation fait notamment l’objet d’un questionnaire (questionnaire ZAN / diffuser à l'échelle de l’ensemble du collectif des démarches), permettant de quantifier et de qualifier précisément les indicateurs retenus par le référentiel.

Initié par des associations telles que France Nature Environnement (FNE) et d’autres experts naturalistes, le concept de Zéro Artificialisation Brute (ZAB) apparaît d’abord comme un objectif ambitieux dans un contexte où l'étalement des périphéries urbaines peine à ralentir.

Co-auteur de l’ouvrage La ville stationnaire dans lequel il rappelle en 2022 que le secteur de la construction reste encore « l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre » qui «engloutit des quantités énormes de ressources, pendant que l’étalement urbain dévore les sols naturels et agricoles ». Philippe Bihouix évoque lui aussi la notion de ZAB lors de la journée du Réseau National des Aménageurs en juillet 2024. Loin de la frugalité attendue des territoires, il rappellera à cette occasion les limites du système compensatoire entériné par la loi dite “ZAN”.

Mais contrairement à la notion législative du ZAN, le ZAB correspond à la mise en place d’une limite franche concernant l’usage et l’occupation des sols. En proposant d'interrompre totalement la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, cette démarche reflète une prise de conscience accrue des conséquences irréversibles de l'urbanisation des écosystèmes. En intégrant pleinement la notion de durabilité dans les politiques d'aménagement du territoire, le ZAB instaure une nouvelle norme où le développement économique et démographique s'harmonise avec la préservation stricte de nos ressources naturelles. L'adoption de telles mesures représente une transformation profonde dans notre manière d'appréhender la croissance urbaine, privilégiant des stratégies de rénovation, de réhabilitation, de réemploi, d’intensification, de recyclage (des sols notamment) pour répondre aux besoins sociétaux en garantissant l'intégrité des écosystèmes et du vivant.