Contact Ekopolis :
> Elise Mahieu
Chargée de mission Economie circulaire
elise.mahieu@ekopolis.fr
06.09.05.85.95
Vous avez des idées ? Vous avez été confronté à des freins ? Partagez-nous votre expérience afin d'enrichir ces documents et accélérer le changement ! |
Ekopolis remercie :
- Hélène Méténier pour l'élaboration de ce dossier.
- Ingrid Bertin (SETEC) pour sa relecture attentive et ses précisions avisées.
Découvrir tous les zooms thématiques
Sommaire :
- 1. Remise en contexte
- 2. Démontabilité et réversibilité : de quoi parle-t-on ?
- 3. Pourquoi concevoir des bâtiments démontables et/ou réversibles ?
- 4. Comment concevoir des bâtiments démontables et/ou réversibles ?
- 5. Quelles sont les étapes clés dans le déroulé du projet ?
- 6. Quel est le cadre réglementaire ?
- 7. Exemples de projets remarquables en matière de démontabilité et/ou réversibilité
- 8. Ressources incontournables
Remise en contexte
Plusieurs paramètres invitent à repenser la conception des bâtiments afin d’allonger leur durée de vie et celle de leurs composants :
- Du fait de l’évolution très rapide des modes d’habiter et de travailler, mais aussi du contexte normatif changeant, les bâtiments deviennent obsolètes plus rapidement, ce qui peut conduire dans certains contextes à une augmentation du taux de vacance. Dans une étude parue en 2020, Artelia constate que « les bâtiments [de bureaux] mettent non plus 30 à 40 ans mais 10 ans à devenir obsolètes ». Dans les grandes métropoles, cette obsolescence accélérée vient s’ajouter à un foncier rare et des besoins importants en logements.
- Le contexte réglementaire, notamment la RE2020 pour ne citer qu’elle, incite à réduire l’impact carbone de la construction sur l’ensemble de son cycle de vie.
- Le réemploi, qui répond justement à cet objectif de réduction de l’impact carbone des projets, est aujourd’hui souvent rendu impossible par la conception même des bâtiments : les techniques d’assemblage ne permettent pas de récupérer des matériaux ou produits sans les endommager. Cette problématique ne concerne pas uniquement la fin de vie du bâtiment, elle est également prégnante lors des interventions d’entretien et maintenance en phase d’exploitation.
Démontabilité et réversibilité : de quoi parle-t-on ?
LA DÉMONTABILITÉ
Définition proposée dans le Guide BAZED :
« La démontabilité en architecture concerne la capacité d’un bâtiment, d’un système constructif, d’un assemblage à être démontable, adapté à la déconstruction ».
LA RÉVERSIBILITÉ
Définition proposée par Canal Architecture :
La réversibilité correspond à la « capacité programmée d’un ouvrage neuf à changer facilement de destination (bureaux, logements, activités, etc.) grâce à une conception qui minimise, par anticipation, l’ampleur et le coût des adaptations ».
DEUX NOTIONS ÉTROITEMENT LIÉES
La démontabilité de certains éléments constitue un prérequis pour permettre la réversibilité du bâtiment. Elle facilitera en effet les modifications d’éléments constructifs qui sont nécessaires pour changer la destination du bâtiment.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que la démontabilité peut être associée à la notion de « réversibilité constructive » qui « caractérise la construction des bâtiments dans le but de faciliter leur future déconstruction en retrouvant l’état initial du terrain », quand la « réversibilité fonctionnelle » permet de « changer de programme à court ou long terme » (Artelia, 2020).
LES AUTRES NOTIONS LIÉES À LA TRANSFORMATION DES BÂTIMENTS
Travailler sur la démontabilité et la réversibilité des bâtiments amène également à se familiariser avec d’autres notions :
- Flexibilité : « Aptitude d'un espace construit à se plier à une utilisation évolutive ou différente » (Bruxelles Environnement, 2017). La réversibilité fonctionnelle est ainsi parfois appelée « flexibilité programmatique ».
- Évolutivité / modularité : « capacité à la flexibilité et à l’élasticité afin de faciliter les changements d’affectation » (Agence Qualité Construction, 2021) ;
- Hybridation : « réversibilité progressive du fait d’une liberté de l’espace, d’une indétermination des usages ou d’une programmation plurifonctionnelle au sein d’un même bâtiment » (Agence Qualité Construction, 2021).
Pour en savoir plus
- Définitions proposées par la norme ISO 20887:2020 « Développement durable dans les bâtiments et ouvrages de génie civil — Conception pour la démontabilité et l’adaptabilité — Principes, exigences et recommandations »
Pourquoi concevoir des bâtiments démontables et/ou réversibles ?
PRINCIPAUX BÉNÉFICES ENVIRONNEMENTAUX
- La démontabilité est essentielle pour prévenir la production de déchets : elle permet une dépose propre des matériaux et produits, rendant ainsi possible leur réemploi suite à des opérations d’entretien-maintenance ou une déconstruction et ce potentiellement sans déclassement. Elle facilite également le recyclage des déchets en réduisant le mélange de matières et en permettant de conserver l’intégralité de la matière (absence de dégradation).
- La réversibilité permet quant à elle de réduire les quantités de déchets produits en offrant au bâtiment la possibilité de s’adapter à l’évolution des besoins et donc d’augmenter sa vie utile.
- La production de déchets est également souvent réduite en phase construction. Ces deux principes de conception invitent à recourir à des filières sèches et à la préfabrication, toutes deux peu génératrices de déchets grâce à une standardisation des procédés constructifs qui s’accompagne d’une réduction des rebus.
PRINCIPAUX BÉNÉFICES ÉCONOMIQUES
- En lien avec les bénéfices environnementaux, concevoir des bâtiments démontables et/ou réversibles permet de réduire les coûts d’entretien et maintenance, de changement d’usage et de déconstruction.
- Dans le cas du projet Black Swans à Strasbourg, le changement d’usage bureaux vers logements a été évalué à 800€/m2 (pas de changement de façade et passage d’une ventilation double flux à une simple flux). A titre de comparaison, dans son étude sur la réversibilité, Artelia partage les données suivantes : 2000 à 3000€/m2 pour une réhabilitation lourde avec changement d’usage et 1600 à 1800€/m2 pour une construction neuve de logements.
- Dans le cas du projet BOKKEN (projet porté par Vinci Immobilier pour le Village Olympique et Paralympique, finalement non réalisé), conçu pour être réversible, le changement d’usage logements vers bureaux a été estimé à 30% de l’investissement initial.
A noter également que la démontabilité et la réversibilité sont valorisées par plusieurs certifications environnementales : la démarche Quartiers et Bâtiments durables franciliens, HQE Bâtiment Durable, BREEAM ou encore BBCA.
De plus, la RE2020 encourage le réemploi en définissant un poids carbone nul pour les matériaux de réemploi dans la méthode de calcul de l’analyse en cycle de vie, ce qui incite également à construire démontable et réversible.
LES TYPES DE BÂTIMENTS CONCERNÉS
Ces bénéfices ne sont pas réservés à certaines catégories de bâtiments. Tous les types de bâtiments, des bâtiments tertiaires aux logements collectifs, en passant par les hôtels, les hôpitaux, les bâtiments industriels ou encore les parkings, peuvent en effet être concernés par un besoin d’adaptabilité au cours de leur cycle de vie.
Pour en savoir plus
- Se référer au dossier « Les grands enjeux de la prévention et de la gestion des déchets de construction » pour plus d’informations sur le contexte relatif à la production de déchets
- Se référer au dossier « Le réemploi de matériaux de construction » pour plus d’informations sur les bénéfices liées au réemploi
Comment concevoir des bâtiments démontables et/ou réversibles ?
« La réflexion doit se faire à toutes les échelles : au niveau du bâtiment en privilégiant la réversibilité et la flexibilité du bâtiment et de ses fonctions ; au niveau des composants en favorisant la réutilisation des éléments complexes en l’état ou en les modifiant ; au niveau des matériaux notamment en encourageant le choix des matériaux valorisant la capacité de désassemblage et de traitement ou reconversion » (Bruxelles Environnement, 2021).
DÉMONTABILITÉ
Principes généraux
La Fondation Bâtiment Énergie synthétise ainsi les principes généraux pour une conception démontable de bâtiments :
La conception en « couches »
Au cœur de la conception pour la démontabilité, la théorie des « couches » part du constat que les différentes « couches » d’un bâtiment n’ont pas la même durée de vie utile et qu’il est donc nécessaire de les rendre le plus possible indépendantes les unes des autres pour faciliter le démontage des composants.
La norme NF ISO 20887 parue en juin 2020 et portant sur la « Conception pour la démontabilité et l'adaptabilité », identifie les trois principales « couches » suivantes :
- Enveloppe et gros œuvre, c’est-à-dire la structure du bâtiment (fondations, superstructure, enveloppe) ;
- Systèmes mécaniques et électriques, c’est-à-dire les canalisations, conduits, câbles, machines, ascenseurs, etc. ;
- Aménagement, c’est-à-dire les cloisons, le plafond, les revêtements de sol, les appareillages et finitions.
Principes par type d’élément
Les principes techniques et architecturaux proposés ci-dessous ne doivent pas être considérés comme des prescriptions obligatoires. Il s’agit de bonnes pratiques à sélectionner, combiner et compléter en tenant compte du type de projet et de son contexte.
RÉVERSIBILITÉ
Les principes de démontabilité s’appliquent également à la conception de bâtiments réversibles.
Permettre la réversibilité nécessite par ailleurs de trouver des solutions pour que le bâtiment puisse répondre aux exigences réglementaires, qui varient selon la destination du bâtiment. Les exigences les plus contraignantes devront être respectées. En particulier, des mesures conservatoires sont à prévoir en tenant compte des réglementations en matière :
- De sécurité incendie,
- D’accessibilité aux personnes à mobilité réduite,
- D’acoustique.
L’évolution des usages peut quant à elle être facilitée en suivant les principes suivants :
Enfin, concevoir démontable et/ou réversible signifie aussi penser les espaces de manière à faciliter la logistique de chantier au moment du changement d’usage ou de la déconstruction. La conception des espaces devra ainsi faciliter le démontage, le stockage et l’évacuation des flux.
A titre de contre-exemple, l’exemple suivant est rapporté dans le « Guide d’aide à la conception pour la démontabilité » proposé par la Fondation Bâtiment Énergie :
« Le projet 145 Courcelles se décompose en deux parties, l’une côté rue de Courcelles et une autre côté Pierre Demours. Cette deuxième partie, dotée d’un grand parking souterrain et de plusieurs monte-charges s’est révélée adaptée à la mise en œuvre de dépose sélective. La logistique de la dépose sélective et des collectes s’est trouvée facilitée par la disposition du bâtiment.
Pour la partie du bâtiment côté rue de Courcelles, sans monte-charge, la logistique de dépose et de réemploi a en revanche été beaucoup plus complexe à mettre en œuvre. Aussi, le transfert des divers éléments vers le rez-de-chaussée s’est trouvé complexifié, tout comme le stockage des éléments une fois ceux-ci descendus. En effet, aucun moyen de relier le rez-de-chaussée au parking souterrain n’était disponible. Pour permettre un stockage des éléments, il aurait fallu impérativement transférer les différents matériaux par la rue, impliquant à la fois une manutention supplémentaire et des problématiques de sécurité et de neutralisation de la voie publique lors du transfert. Certains éléments de grandes dimensions ont été particulièrement problématiques pour la configuration du bâtiment : les cloisons vitrées notamment ont dû être descendues par les escaliers, entraînant de nombreux risques et surcoûts. Il est probable qu’un certain nombre de matériaux aient été livrés par les façades. Ce cas particulier est une illustration de pratiques classiques dans lesquelles les scénarios de fin de vie ne sont pas réellement pris en compte dans la conception. »
Pour en savoir plus
- Se référer aux différents guides techniques proposés dans la partie « Ressources incontournables » de ce dossier
- En particulier, la Fondation Bâtiment Énergie a élaboré un outil sous la forme d’une matrice synthétisant des fiches techniques relatives croisant critères de conception réversible et systèmes constructifs. Cet outil peut être téléchargé ici (outil relié à l’enjeu C)
Quelles sont les étapes clés dans le déroulé du projet ?
En préambule, il est important de signaler que, dans une démarche de construction bas carbone, la recherche d’une démontabilité et/ou réversibilité doit se faire en parallèle d’une mise en œuvre de matériaux à faible impact carbone : biosourcés, réemployés ou recyclés.
ANTICIPATION ET APPROCHE COLLABORATIVE
La démarche de conception démontable et/ou réversible doit être portée par le maître d’ouvrage dès le début du projet. Elle devra en effet orienter le choix des acteurs du projet, le planning, le bilan financier ou encore la rédaction des différentes pièces contractuelles.
Comme le souligne l’Agence Qualité Construction dans son guide paru en 2021 :
« Les verrous sont multiples mais les solutions existent. Cela nécessite une envie de la part de chacun des acteurs impliqués. Pour éviter les non-qualités, il est impératif que les différents protagonistes ne soient pas placés en silo pour permettre une mise en projet. S’entourer d’une équipe de maîtrise d’œuvre convaincue et engagée est important car un projet intégrant une perspective de réversibilité entraîne pour tous les partenaires une sortie de leur zone de confort. Or, il est essentiel que l’ensemble des acteurs travaille de concert ».
En particulier, le contrôleur technique et l’économiste doivent être intégrés le plus en amont possible du projet :
- L’économiste pourra établir un calcul du coût du bâtiment en tenant compte de ses différentes évolutions possibles,
- Le contrôleur technique accompagnera les acteurs du projet pour aboutir à des solutions innovantes compatibles avec les normes de construction.
DÉFINITION DU DEGRÉ DE RÉVERSIBILITÉ ET/OU DÉMONTABILITÉ À ATTEINDRE
Afin d’éviter que la conception réversible et/ou démontable ne soit synonyme d’architecture standardisée et de surcoûts inutiles, il est indispensable que le maître d’ouvrage définisse un degré à atteindre.
Pour cela, différents éléments sont à prendre en compte :
- La pertinence de la réversibilité en particulier dépend du contexte socio-urbain. C’est l’analyse de celui-ci qui permettra de conclure sur le besoin ou non de réversibilité.
- En lien avec ce premier point, concevoir un bâtiment qui pourrait évoluer vers n’importe quel usage n’est pas possible. Il est donc nécessaire de définir un ou deux usages qui semblent probables au regard du contexte socio-urbain.
- Le degré de réversibilité et/ou démontabilité peut être défini en ciblant certains éléments du bâti sur lesquels les efforts de l’équipe projet devront se concentrer. Cette priorisation peut se faire selon des critères environnementaux (privilégier la réversibilité des éléments fortement carbonés), selon des critères économiques ou encore des critères de faisabilité technique. La définition et la pondération de ces critères peuvent être menées avec l’aide d’un bureau d’études.
INTÉGRATION DANS LES PIÈCES CONTRACTUELLES
- La consultation de l’équipe de maîtrise d’œuvre : le cahier des charges doit inclure des objectifs clairs en matière de démontabilité et/ou réversibilité. Ces objectifs devront être de préférence incitatifs, avec une possibilité de proposition de variantes (dont une option plus traditionnelle), afin de ne pas décourager les acteurs. Le règlement de consultation doit également faire apparaître la démontabilité et/ou réversibilité parmi les compétences attendues et inviter les candidats à présenter des références en la matière.
- Les Dossiers de Consultations des Entreprises (DCE) : l’implication des entreprises est indispensable pour la réussite du projet. Les DCE doivent donc afficher clairement l’ambition et présenter les solutions techniques attendues et les conditions de leur mise en œuvre. Il est également recommandé d’encourager les entreprises à proposer des variantes pertinentes.
- Les Dossiers des Ouvrages Exécutés (DOE) : les DOE jouent un rôle crucial dans l’anticipation du futur chantier de transformation et/ou déconstruction. Ils doivent contenir l’ensemble des informations sur les matériaux mis en œuvre, les assemblages réalisés, des recommandations pour permettre une dépose soignée, etc.
PIÈCES COMPLÉMENTAIRES POUR GARANTIR LA TRAÇABILITÉ
Il est essentiel de mettre en place des dispositifs permettant la conservation des données de conception tout au long de la vie du bâtiment et jusqu’au chantier de transformation et/ou déconstruction. Pour permettre la traçabilité des matériaux et équipements mis en œuvre, trois types de documents pourront venir compléter les DOE :
- Des « passeports matériaux », qui rassemblent l’ensemble des informations techniques détaillées sur les matériaux, produits et éléments du bâtiment ;
- Un plan de déconstruction et/ou réversibilité détaillé, décrivant le séquençage des opérations de démontage et les moyens nécessaires associés ;
- Un carnet de vie du bâtiment à destination des usagers du bâtiment, leur fournissant des recommandations concernant l’entretien-maintenance du bâtiment, en tenant compte de la durée de vie de chaque élément.
La multiplication des supports de traçabilité des informations relatives au bâtiment et à ses matériaux permet d'augmenter les chances de pérenniser ces données et ainsi favoriser une meilleure valorisation à très long terme : maquette BIM, puces RFID intégrées aux équipements, gravure sur les matériaux et équipements, supports papiers, fichiers numériques.
Pour en savoir plus
- Se référer aux différents guides techniques proposés dans la partie « Ressources incontournables » de ce dossier
Quel est le cadre réglementaire ?
PERMIS DE CONSTRUIRE ET PLAN LOCAL D’URBANISME
Une demande de permis de construire est obligatoire dans le cas d’un changement de destination s’accompagnant de travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, ou de créer une emprise au sol ou une surface de plancher supérieure à 20 m2 ou à 40 m2 sous certaines conditions (article R. 421-14 du Code de l’urbanisme). Par conséquent, si les travaux de réversibilité ne touchent ni à la structure, ni à la façade le projet n’est pas soumis à l’obligation de dépôt d’une demande de permis de construire, une déclaration préalable suffit.
De même, si la réversibilité entraîne le passage d’une sous-destination du plan local d’urbanisme (PLU) à une autre, mais que les travaux n’impactent pas la façade ou la structure du bâtiment, il n’est pas nécessaire d’effectuer une demande d’autorisation d'urbanisme.
Ces conditions restreignent toutefois le potentiel de réversibilité. C’est pourquoi plusieurs professionnels de la construction plaident aujourd’hui pour la création d’un nouveau type de permis de construire :
- Une proposition consiste par exemple à mettre en place un permis de construire « mixte », autorisant plusieurs destinations admises par le PLU ;
- Une autre piste serait de créer d’une nouvelle rubrique dans les permis de construire : « immeuble à destination indéterminée ».
LOI ELAN ET IMMEUBLES DE MOYENNE HAUTEUR
La loi ELAN (2018) a introduit les « immeubles de moyenne hauteur » (IMH). Il s’agit de tout immeuble à usage d’habitat compris entre 28 et 50 mètres de haut.
La création de cette nouvelle classe incendie a pour objectif d’homogénéiser les exigences réglementaires s’appliquant aux immeubles entre 28 et 50 mètres de haut, qu’il soit à usage de bureaux ou de logements, permettant ainsi de faciliter la réversibilité de bureaux en logements ainsi que la mixité des fonctions au sein d’un même bâtiment.
LOI ESSOC ET PERMIS D’EXPÉRIMENTER
L’ordonnance II de la loi ESSOC (en vigueur depuis le 1er juillet 2021) a Inscrit le dispositif de « solution d’effet équivalent » (SEE), testé grâce au « permis d’expérimenter », dans le livre Ier du Code de la construction et de l’Habitation. Ce dispositif permet à tout maître d’ouvrage d’une opération de construction de mettre en œuvre des solutions alternatives à la réglementation en vigueur, à condition qu’il prouve qu’il atteint les mêmes résultats que la solution de référence (inscrite dans la réglementation). Le respect des objectifs est analysé par un organisme indépendant délivrant une attestation et un contrôleur technique, tous deux choisis par le maître d’ouvrage.
Ce principe de solution d’effet équivalent peut donc être mobilisé dans le cadre d’un projet démontable et/ou réversible.
Exemples de projets remarquables en matière de démontabilité et/ou réversibilité
- Black Swans, Strasbourg
Le projet Black Swans est un programme de trois tours, allant jusqu’à 8 niveaux. Ces tours ont été conçues en suivant des principes de réversibilité, permettant aux 15 000m2 de bureaux actuels d’être transformés en logements et aux 180 logements d’être transformés en bureaux. En particulier, la façade a été pensée pour convenir aussi bien à un usage de logements que de bureaux. Le coût des travaux nécessaires pour changer d’usage a été estimé à 800€/m2, incluant un changement du système de ventilation de double flux à simple flux.
> Plus de détails sur le projet ici
- WORK #1, Lyon
WORK #1 est un immeuble de bureaux de 8 niveaux conçu pour pouvoir muter vers un usage de logements, dans un contexte de quartier en pleine mutation. La profondeur des bureaux est ainsi moins importante que dans un immeuble de bureaux « classique » pour pouvoir aménager des logements sans perte de surface. Cette conception réversible engendre des coûts de construction plus élevés, notamment du fait des surfaces de balcons, mais il a été estimé qu’elle permettra de diminuer de 50% les coûts de la transformation des bureaux en logements.
> Plus de détails sur le projet ici
- Opération Elithis, Bordeaux
Le 20 décembre 2021, le premier permis de construire sans affectation particulière a été déposé pour ce bâtiment de neuf étages, situé dans la ZAC Saint-Jean Belcier à Bordeaux. A la livraison, le bâtiment accueillera 3000 m2 de logements, 1000 m2 de bureaux, une crèche ainsi que des espaces mutables sans affectation initiale. « Dans quelques années, [il pourra] se transformer en un hôtel ou une plateforme logistique, sans qu’aucune façade ni aucun escalier ne doivent être modifié » précise l’architecte, Patrick Rubin, et ce sans besoin de permis de construire modificatif car le projet s’inscrit dans le dispositif du « permis d’innover ».
> Plus de détails sur le projet ici
- Maison du projet de la Lainière, Roubaix
La Maison du Projet du quartier de la Lainière à Roubaix a été pensée comme un démonstrateur des principes de l’économie circulaire. Le bâtiment est notamment mobile et mutable. Les fondations ont ainsi été conçues pour permettre de démonter le bâtiment puis le remonter à un autre emplacement, y compris sous une forme. Les architectes ont réalisé des simulations pour visualiser les autres bâtiments qui pourraient être réalisés à partir d’éléments de la Maison du Projet : une ou deux maisons individuelles pourraient être construites sans ajout de nouvelles matières.
> Plus de détails sur le projet ici
- Groupe scolaire Nelson Mandela, Juvignac
Ce groupe scolaire est constitué de 157 modules qui ont été préfabriqués en atelier. Ces modules sont en ossature bois, isolés avec de la ouate de cellulose et de la fibre de bois et tout équipés. Cette conception sous forme de modules permet de démonter facilement le bâtiment. Les salles de classes situées au sud du bâtiment peuvent ainsi être déplacées vers une autre école sans affecter l’architecture et le fonctionnement du groupe scolaire, comme souhaité par la Ville.
> Plus de détails sur le projet ici
- Bureaux de la Solorem, Nancy
La structure des bureaux de la Solorem a été conçue pour permettre la réversibilité des deux niveaux supérieurs de bureaux. Cette réversibilité est permise grâce à un contreventement horizontal de la charpente métallique via à un diaphragme horizontale constitué de panneaux de bois, permettant que ma structure primaire ne soit jamais en interaction avec l’aménagement intérieur.
> Plus de détails sur le projet ici
Ressources incontournables
Réversibilité des bâtiments – Points de vigilance et recommandations, Agence Qualité Construction
Ce rapport rédigé par l’Agence Qualité Construction et Ville & Aménagement Durable « a pour objectif de faire un état des lieux des connaissances et des définitions des bâtiments réversibles, d’identifier les points sensibles et d’émettre des recommandations quant à leur conception et leur mise en œuvre ». Il est composé de deux parties : la première revient sur les enjeux et le contexte dans lequel s’inscrit dans la conception réversible et le deuxième présente des points de vigilance et recommandations issus d’enquêtes de terrain.
Sous l'égide de la Fondation Bâtiment Énergie et coordonné par le CSTB, deux groupes de travail (recherche et utilisateurs) ont élaboré plusieurs guides techniques qui proposent notamment des méthodologies d’évaluation des performances en vue d’un réemploi pour huit familles de produits, mais aussi d’analyse de l’allongement du cycle de la matière ou encore des recommandations pour concevoir des bâtiments réversibles et démontables (guides relatifs aux enjeux C et D).
Aide à la conception de bâtiment « zéro déchet », Guide BAZED
Ce guide a été réalisé dans le cadre du projet BAZED, lauréat de l’appel à projets « Déchets du BTP » 2012 de l’ADEME. Il est extrait du site internet associé à ce projet. Il vise à fournir aux acteurs du secteur du bâtiment une aide à la conception de bâtiments préventive des déchets au travers de conseils d’organisation, de concepts/principes/solutions en lien avec la conservation de l’existant, le réemploi, la prévention en phase chantier, la démontabilité, l’adaptabilité et l’entretien maintenance. Il donne également des exemples de chantiers exemplaires ainsi qu’une liste de guides et outils existants.
Vadémécum Bâtiment circulaire, Bruxelles Environnement
Ce guide publié par la Région de Bruxelles vise à accompagner les maîtres d’ouvrage tout au long de leur projet circulaire. Il est divisé en deux grandes parties : la rénovation et la construction circulaire. Parmi les thèmes abordés se trouvent notamment : la conception réversible, l’entretien-maintenance ou encore la gestion des données. A chaque notion sont associés des recommandations techniques et méthodologiques, des exemples de réalisation et des ressources pour approfondir le sujet.
Cette note synthétise les principaux principes de construction d’un bâtiment réversible, avant de présenter l’encadrement de la réversibilité par la réglementation de l’urbanisme (loi SRU, loi ALUR, loi ELAN) et dans le droit de la construction.
Ce guide propose à la fois un rapide état de l’art et un cas d’étude appliquant le concept de réversibilité bureau-logement à un bâtiment type. Cet exemple de projet permet de revenir sur les principaux enjeux réglementaires, de définition de trames communes, de rentabilité et confort, mais aussi de dimensionnement de la structure et des systèmes techniques.